Je ne suis pas ton apostolat!

« Je ne suis pas ton apostolat ! »
Envoyé en mission en Argentine, j'ai eu l'occasion de visiter des bidonvilles et de lier des contacts avec toute sorte de gens. Autour d'une ONG française implantée dans un quartier difficile gravitait tout un petit monde digne d'une scène de l’évangile. Un jour, un bénévole de l'ONG a eu une attitude malheureuse vis-à-vis d'un argentin. « Je ne suis pas ton apostolat ! » C'est en ces termes qu'il envoya promener le volontaire français qui tentait de se racheter. Cette altercation montrait comment l'argentin percevait 'l'apostolat' de cette française: faire montre d'une pitié condescendante.
Cet épisode a été une lumière pour moi pour comprendre ce qu'est vraiment un apostolat chrétien. Il ne s'agit pas de montrer une pitié qui ne rejoint pas vraiment les gens, mais d'entrer en contact avec des personnes avec la plus grande humanité par, avec et dans le Christ. Et cela commence par accepter les gens tels qu'ils sont avec leur histoire sans poser de jugement. Et cela continue de la même façon !
'Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs.'
Jésus les appelle, Jésus nous appelle en partageant notre condition. Les pécheurs ne se racontent pas d'histoires et savent ce qu'il en est de leur condition devant Dieu. C'est précisément pour cela qu'ils nous précèdent dans le Royaume.
Dans l’Église et autour de l’Église, nous nous soucions beaucoup de respectabilité. Dans l’Église, existent bien des personnes en souffrance qui ne sont pas accompagnées pour cette raison. Autour, il y a certes des apostolats mais quelquefois exercés par vaine gloire 'pour faire bien' ou par volontarisme 'pour faire ce que Jésus demande'. Mais cela ne part pas vraiment du cœur et pour cette raison ne rejoint pas vraiment leurs destinataires.
Combien de fois pouvons-nous avoir une attitude fausse ou bien souffrir nous-mêmes d'une telle attitude ?
Qu'en pensez-vous ?

Bonjour,

Si je lis bien entre les lignes, ce dont vous parlez là... c'est la situation des prêtres mariés, des divorcés remariés ou non
Il faut bien un minimum de ce que vous appelez respectabilité, sinon il n'y a plus de limite.
L'église c'est une institution humaine même si elle a des accointances avec le Ciel

Effectivement Pierre, je parle à partir de mon expérience un peu particulière.
Il faut le vivre pour le croire. La mise à l'écart systématique peut être difficile à vivre.
Cela m'a permis de comprendre d'autres qui vivent des situations analogues dans l’Église.
On a le sentiment qu'il y a des péchés publics impardonnables.
Pourtant ce n'est pas l'attitude du Christ vis à vis des pécheurs mêmes notoires (Zachée, Marie-Madeleine...)
Et même des traitres (Saint Pierre après son reniement... et tous les apôtres)

Tu me diras: il faut distinguer l'attitude du Christ (l'idéal) et la gestion d'une Institution...
Pourtant « De Jésus-Christ et de l’Église, il m’est avis que c’est tout un, et qu’il n’en faut pas faire difficulté.» disait Jeanne d'Arc à ses censeurs.
C'est la conviction des saints. On peut penser aussi à Saint Paul persécutant l’Église naissante qui s'entend dire par le Christ: "pourquoi me persécutes tu?"
Il faut que l'Institution suive les pas du Christ, c'est dans ses gènes.

En publiant le post précédant, je ne voulais pas limiter le débat à la situation des seuls prêtres mariés, cette ouverture du cœur du Christ que nous sommes appelés à imiter, c'est plus large.
Non?

..." il y a quelques jours j'écoutais Jean Vanier s'exprimer sur koto qui nous dit ceci : le 13 novembre 2015 j'ai senti comme un appel au niveau de ma foi, pour devenir un homme de paix, un appel à être un artisan de paix là où je suis, aider à créer une culture de la rencontre, culture où on est désarmés. On est devant un monde nouveau et on commence à pressentir la vision de Dieu. Il y a quelque chose qui est en train de bouger dans le sentiment que chaque être humain á une valeur. Derrière la religion, la culture, il y a toi. J'ai besoin de toi et toi tu as besoin de moi. Écoutons le cri du Pape François qui parle de l'importance de créer une culture de la rencontre, je me sens pauvre et j'accueille ta pauvreté. Peut-être que la rencontre, c'est la rencontre de deux fragilités. Le Pape nous demande d'aller rencontrer celui qui est différent, pour révéler à l'autre : tu es plus beau que tu n'ose le croire. Et Jean Vanier raconte l'histoire de Pauline, hémiplégique, épileptique : ce qui caractérisait Pauline, c'était sa violence ; une femme enragée. Depuis quarante ans, et avant d'arriver à l'Arche, Pauline á été humiliée. Le cri de Pauline, un cri de souffrance : est-ce que quelqu'un veut devenir mon ami ? Qui peut m'aimer comme je suis ? Qu'est-ce que c'est la maturation humaine ? La tendresse ! Regarder avec tendresse, écouter avec tendresse. Rencontrer l'autre , ne pas le changer mais le rencontrer : tu as toujours voulu me changer, tu n'as jamais voulu me rencontrer . Rencontrer c'est un long chemin pour voir le 13 novembre 2015 comme un appel à voir le Prince de la Paix qui nous demande un sourire, un regard.Nous pouvons devenir des hommes de pardon. Le monde ne sera guéri que par le pardon ( Demond TUTU) Si nous voyons Jésus dans' le pauvre, le "cassé " nous sommes sauvés parce que nous aimons et que nous sommes aimés..

Merci pour cette belle réponse "SAINT EST SON NOM".

J'ajouterai une remarque lié au témoignage que mon mari ex-religieux prêtre et moi-même portons.
Souvent, on nous fait le reproche que nous avons rompu l'engagement premier de mon mari. Or, ces personnes n'entendent pas que nous avons eu un appel dans l'appel. Notre engagement présent à la vie de prière plutôt dans la contemplation est la continuité de l'engagement premier. Certes notre engagement n'est pas reconnu car il n'existe pas au sein de l'Eglise catholique, au mieux pour les personnes mariées, on parle de couple missionnaire. Pourtant, un religieux peut changer (rarement) d'ordre religieux sans pour autant être mis au ban de l'Eglise catholique. On parle de commutation des voeux religieux.

Pour notre appel, le voeu de chasteté (voeu religieux) reste un voeu de chasteté dans le cadre d'une vie en couple. Bien sûr, certains opposeront que le voeu de chasteté religieux s'entend dans la continence, fort heureusement puisque actuellement la vie religieuse est basé sur le célibat. On aurait du mal à imaginer cela autrement. Pour un couple, la chasteté s'entend différemment bien entendu mais le voeu de chasteté existe.

Pour le célibat lié au sacerdoce (il ne s'agit pas ici d'un voeu), il faut rappeler que c'est la discipline traditionnelle de l'Eglise catholique romaine qui a institué le célibat sacerdotal. Celui-ci n'a pas de fondement théologique. Les prêtres de rite oriental peuvent faire le choix de se marier.

Jean-Paul II a souligné que le célibat et le mariage restent deux voies de sanctification égales.

Pour finir, ce qui rejoindra le sujet, est que la pitié fait davantage souffrir qu'une écoute bienveillante. Personne n'est obligé d'être en accord avec les idées d'un autre. La bienséance et le respect mutuel sont tout simplement des éléments de communication qui permettent d'accueillir l'autre dans sa complexité sans juger et en préservant avec amour la dignité nécessaire à l'épanouissement de toute personne humaine.

Parler d'un appel dans l'appel suppose que l'on reste fidèle au premier appel. Or la vérité oblige à reconnaître que ce n'est pas le cas, puisqu'Elie, avec tout l'amitié que j'ai pour lui depuis plus de 20 ans, a bien rompu ses vœux. Il y aurait bien commutation si les nouveaux vœux étaient reconnus.
D'autre part la chasteté est une vertu générale. Pour un religieux, elle correspond à une continence.

Il me paraît un peu rapide de dire que le célibat ecclésiastique n'a pas de fondement théologique, surtout quand on pense que le Christ était célibataire...

Je vous dis tout ceci avec charité, pensant qu'on ne peut discuter que sur la base de ce qui est vrai.

Merci Pascal pour ta contribution.
Je vais ouvrir un nouveau sujet en rapport avec les questions que tu soulèves.
Elie